Chartres (28) – fouille du site des Cinémas2 (ville de Chartres ) – étude anthracologique

chartres-large1L’étude anthracologique porte sur un chantier complémentaire au C.219.1 (les cinémas) dont les lots anthracologiques ont été étudiés en 2011.

Cette étude vient compléter les résultats de l’étude du site des Cinémas réalisée en 2011.

Cette nouvelle fouille a permis de recueillir dans de très bonnes conditions les charbons liés aux phases les plus anciennes reconnues récemment sur Chartres (niveaux gaulois) et qui plus est, dans un contexte funéraire (enclos avec traces de rejets de bûchers et vases à incinérations).
Nous sommes donc dans la suite logique de ce qui a été étudié en 2011, ce qui vient compléter au niveau spatial les résultats du site.
D’un point de vue chronologique, les niveaux étudiés sont calés au niveau de la Fin du Ier s. av. J.C.

Dans cette étude beaucoup de prélèvements provient de contextes funéraires parfois associés à des vases et attribués à la fin de la période gauloise (seconde moitié du 1er s. av. J.-C.). (cf. inventaire des prélèvements, figure 1).

Quelques prélèvements (4) proviennent de contextes artisanaux (prélèvements 801, 803, 804) attribués à la période du Haut-Empire / Ier s. ap. J.-C.

L’ensemble de l’étude n’a pas révélé de forte diversité taxonomique. Seulement trois taxons ont été déterminés : le chêne, le hêtre et les Pomoïdées.

Les observations anatomiques des charbons ont systématiquement été réalisées lorsque cela était possible, nous informant sur les contextes de croissance des arbres, sur la collecte des bois, sur l’utilisation des bois (type de combustion, utilisation comme bois d’allumage, bois d’entretien de foyers, de bûchers en contexte funéraire ou bois d’oeuvre en contexte d’habitat).

Pour ce qui concerne tout d’abord les prélèvements réalisés en contexte funéraire (prélèvements de la période gauloise), c’est le chêne qui domine les ensembles, mais nous avons pu détecter des éléments de hêtres (PLV 805, 813) accompagnés de quelques charbons de Pomoïdées (PLV 847, 811 et 812).

On peut tenter d’interpréter ces résultats au regard d’aspects d’ordre naturels et culturels (ou techniques).

On peut tout d’abord rechercher des explications naturelles dans la présence de la chênaie-hêtraie. En effet, ce type de forêt est connu pour être la forêt « climacique » couvrant la grande partie nord -nord ouest de la France pour cette période. Même si l’évolution naturelle de la forêt devient plus difficilement perceptible du fait de l’anthropisation des milieux (c’est le cas de l’étude pollinique du site de Mendes-France (Bonniel-Veyron, 1996)), c’est cette association qui domine assez souvent les assemblages polliniques de forêts de cette époque pour le nord-ouest de la France.

La détection des Pomoïdées va plutôt de paire avec des ramassages dans des milieux clairs tels que les lisières de forêts, bocages, haies.

Les mesures de largeurs de cernes des prélèvements de cette première période, présentent des moyennes allant de 3,04mm (PLV 836) à 1,6mm (PLV 840 et 852). Il faut souligner l’hétérogénéité des valeurs constatées dans plusieurs prélèvements (notamment PLV 809, 836 et 840). Ces résultats décrivent des « aires de ramassage » dans des boisements contrastés, probablement denses pour les prélèvements 840, 852, 813 et semi-ouverts (lisières) à ouverts pour les prélèvements 808, 809 et 836.

Nous constatons donc des ramassages assez contemporains dans des boisements dont les densités sont contrastées (cf. ex. PRL 836 et 843). Nous pouvons donc évoquer la signature d’une forêt probablement « dégradée » (peu ou pas gérée?), caractérisée par une mosaïque végétale présentant à la fois des zones denses (ex. bosquets) et des zones ouvertes (friches).

Les quelques charbons de Pomoïdées détectés dans ces prélèvements appuient d’ailleurs assez bien cette hypothèse car ce sont des essences caractéristiques de formations végétales telles que les lisières de bois, les bois clairs, les landes ou forêts caducifoliées ouvertes.

On peut aussi évoquer des raisons d’ordre technique pour expliquer la présence des Pomoïdées, car ce sont généralement des bois de petits calibres, bien adaptés pour allumer un feu.

En revanche, les charbons de bois de chêne et du hêtre proviennent plutôt de bois de gros calibres. Le calibre de ces bois pourrait s’expliquer par le fait que l’on ait cherché à utiliser ce bois pour entretenir des foyers voire même pour obtenir des combustions importantes (interprétation qui peut être corroborée par la détection de plusieurs charbons de type « dur-luisants » indicateurs de combustions sous hautes températures). L’interprétation de charbons issus des braises et cendres de bûchers est probable.

En ce qui concerne les prélèvements des contextes artisanaux (prélèvements 801, 803, 804), c’est à nouveau le chêne qui domine accompagné du hêtre. L’explication naturelle (forêt climacique) peut être avancée.

Les bois sont globalement de gros calibres attestant une utilisation comme bois d’entretien de foyer ou bien de bois d’oeuvre. A noter, que le hêtre pourrait avoir fait l’objet d’un choix technique artisanal en raison des flammes et braises qu’il procure lors de sa combustion.

Les résultats de l’étude du site des Cinémas 2 viennent enrichir les résultats du site des Cinémas 1, notamment en nous informant sur les boisements de la fin de la période gauloise. Grâce aux mesures de largeurs de cernes, les résultats de 2011 (Cinéma1), nous avaient laissé entrevoir des approvisionnements en bois domestiques et bois d’oeuvre dans des forêts fermées au début du 1er siècle ap. J.-C. (cf. PLV142 et 143 du site des « cinémas 1 » datés du 1er siècle ap. J.-C. avec des moyennes de l’ordre de 1,42mm), puis dans des boisements de plus en plus clairs jusqu’au second siècle ap J.-C. (cf. figure 28).

Cette tendance n’est pas confirmée par les résultats dendrologiques du site des Cinémas2. En effet, les associations anthracologiques détectées pour ce site sont caractéristiques de ramassages dans des boisements aux densités contrastées que l’on peut qualifier d’ouvertes à semi-ouvertes (moyennes de largeurs de cernes allant de 1.09mm à 3.04mm).

C’est probablement au niveau des aires d’approvisionnements qu’il faut chercher des explications, car les charbons retrouvés dans les contextes funéraires de la fin de la période gauloise, n’ont sans doute pas fait l’objet de « longs transports » ce qui n’est peut être pas le cas des charbons issus des bois d’oeuvres du Haut-empire (ex. PLV 78 du site des Cinémas1). De ce fait, il est probable que nous ne comparons pas l’évolution des moyennes de largeurs de cernes d’un même «espace paysager».

A noter que les résultats polliniques obtenus par Bonniel-Veyron (1996) sur le site de Mendes-France, montrent des paysages très ouverts et très anthropisés pour les périodes attribuées au Haut-Empire et Bas-Empire. Ces résultats contrastent avec les mesures de largeurs de cernes obtenues notamment pour le site des Cinémas1 qui décrivaient des aires de ramassage dans des boisements fermés. Les résultats du site des Cinémas2 (fin de la période gauloise) apparaissent plus cohérents avec des approvisionnements dans des forêts aux structures ouvertes.

Si les attributions chronologiques des résultats polliniques se confirmaient (par exemple à l’aide de datations absolues), il faudrait émettre l’hypothèse d’aires de collectes de bois assez éloignées du site de Mendes-France notamment pour les résultats du site des Cinémas1 (ou bien dans des boisements denses très localisés). La tendance à l’éclaircissent du paysage que nous avons détecté au cours de l’étude de 2011 serait bien réelle mais dans une aire d’approvisionnement probablement éloignée de plusieurs kilomètres.

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