Vieil-Evreux (27), site de Gisacum – Sondages S39 et S51 : étude anthracologique

Cette étude anthracologique fait suite à l’opération archéologique effectuée sur le « Grand Sanctuaire » du site de Gisacum au Vieil-Evreux (27) en 2018. Cette opération triennale a été menée par la Mission Archéologique Départementale de l’Eure. La fouille a été dirigée par Sandrine Bertaudière, archéologue de la Mission Archéologique Départementale.

L’étude anthracologique porte sur une sélection de 60 prélèvements charbonneux. 19 lots ont été prélevés à l’intérieur du comblement du « second puisard » (Sondage 51) et 41 lots proviennent des sondages situés devant le temple central (S39 et S42).

L’attribution chronologique des lots s’étend sur la période allant de la phase II.5c (vers le milieu du IIIe siècle) à la phase III.2 (IVe siècle). Les prélèvements du sondage 51 (comblement du conduit du second puisard) correspondent plus précisément à la phase III.1 à III.2.

Les restes anthracologiques proviennent de 60 prélèvements réalisés dans les sondages S39, S42 et S51. Environ 2000 charbons ont été étudiés.

28 taxons anthracologiques ont été identifiés dans cette étude : la plupart de ces taxons ont été identifiés dans les lots du puisard (S51) durant la phase III.1 et III.2 (entre 280 et 380 ap. J.-C.). Sept taxons ont été déterminés dans les couches situées devant le temple central (sondage S39) mais les effectifs étudiés étaient moins importants.

Si l’on écarte les prélèvements de la phase II.5c, dont les lots étaient peu importants et composés principalement de chêne (Quercus sp.), du genre Prunus et de résineux avec le sapin (Abies sp.) et le pin (Pinus sp.), les compositions anthracologiques des périodes II.5d, III.1 et III.2 sont dominées par cinq taxons : le chêne (Quercus sp.), le genre Prunus sp. (prunellier, merisier, cerisier), le frêne(Fraxinus sp.), les Pomoïdées etl’érable(Acer sp.).

D’autres taxons ont ensuite été identifiés de façon régulière durant ces trois phases : le hêtre(Fagus sylvatica), le noisetier(Corylus avellana), le bouleau(Betula sp.), le tilleul(Tilia sp.)l’orme (Ulmus sp.), le tilleul (Tilia sp.), le sureau(Sambucus sp.), le cornouiller(Cornus sp.), l’orme (Ulmus sp.), le sapin (Abies sp.), le pin (Pinus sp. dont Pinus type pinea ou type pinaster et des résineux non identifiés : Gymnosperme),le buis (Buxus sp.), le genévrier (Juniperus sp.), la famille des bruyères (Ericaceae), le genêt (Fabaceae type Cytisus), le fusain (Euonymus europaeus), le nerprun (Rhamnus catharticus), le charme (Carpinus betulus), le chêne-châtaignier (Quercus sp. – Castanea sp.), le saule (Salix sp.), le saule – peuplier (Salix sp. – Populus sp.), la viorne (Viburnum sp.).

Notons que ces derniers taxons ne sont parfois représentés que par quelques occurrences.

L’identification des taxons ligneux permet de proposer différentes associations écologiques (Rameau et al., 1989) :

  • le groupement forestier de la chênaie diversifiée avec le chêne (Quercus sp.), le chêne-châtaignier (Quercus sp. / Castanea sp.), l’érable (Acer sp.), l’orme (Ulmus sp.), le tilleul (Tilia sp.), le charme (Carpinus betulus) et le groupement de la chênaie-hêtraie avec le chêne (Quercus sp.), le hêtre (Fagus sp.), l’érable (Acer sp.) et le frêne (Fraxinus sp.), voire le sapin (Abies alba). Notons que le groupement de la chênaie-hêtraie est détecté dans la plupart des prélèvements. Il correspond au groupement forestier caractéristique de la période du Subatlantique, largement détecté par la palynologie et majoritaire dans le nord-ouest de la France (Gaudin, 2004).
  • les « landes-fourrés », lisières forestières, haies, associations héliophiles : avec la détection des Pomoïdées,Prunoïdées (Prunus sp.), du sureau (Sambucus sp.), noisetier (Corylus avellana), du cornouiller (Cornus sp.), du nerprun (Rhamnus catharticus), du fusain (Euonymus europaeus), du genévrier (Juniperus sp.), du buis (Buxus sp.). Le genêt (Fabaceae type Cytisus) et les Ericaceae sont plutôt synonymes de landes. Ces végétations attestent l’existence d’espaces ouverts ou clairsemés dans l’aire de ramassage. Les communautés végétales de landes et la détection régulière du noisetier correspondent probablement aux premiers stades de recolonisation végétale d’espaces exploités puis abandonnés.
  • les boisements hygrophiles sont perçus avec le frêne (Fraxinus sp.), le saule (Salix sp.), le saule / peuplier (Salix sp. / Populus sp.), l’orme (Ulmus sp.), la viorne (Viburnum sp.). Ces boisements pourraient provenir d’une zone humide, de bord de cours d’eau ou depuis la zone alluviale de l’Iton ou de l’Eure.
  • Plantes importées, favorisées, ornementales (?) : le sureau (sambucus sp.), le genre prunus sp., les Pomoïdées ont pu être favorisés pour leurs fruits. Le buis (Buxus sp.), le genévrier ont pu être utilisés comme plantes ornementales. Enfin, plusieurs résineux ont été détectés. Si le sapin pectiné (Abies alba), le pin sylvestre (Pinus type sylvestris / mugo / nigra), voire le genévrier (Juniperus sp.) sont peut être subspontanés dans la région (?), quelques fragments de pin type pinea ou pinaster (?) sont plus probablement d’origine méridionale. Notons que la plupart des taxons et l’ensemble de ces formations ligneuses avaient aussi été reconnus lors d’une précédente étude anthracologique (Gaudin, 2018). Cette étude portait sur des prélèvements du sondage 39 et du comblement d’un premier puisard (sondage S 28) datés de la phase III.1. Il n’a pas toujours été possible de percevoir l’ensemble des formations ligneuses pour chacune des périodes. En effet, seuls les boisements de type chênaie et les boisements héliophiles ont été identifiés pour la phase II.5c (Fig. 117), mais cette période est moins « pourvue » en échantillons. En revanche, l’ensemble des formations ligneuses a été perçu durant les autres phases II.5d, III.1 et III.2 (Fig. 118, 119 et 120), ce qui montre une stabilité de l’aire de ramassage mais aussi de l’environnement boisé au moins durant ces trois phases.

Les mesures de largeurs de cerne réalisées sur les fragments de chêne de gros et moyen calibre ont permis de calculer des moyennes de largeurs de cerne pour une vingtaines de prélèvements. Nous constatons des valeurs moyennes assez homogènes, centrées majoritairement entre 1 et 2 mm. Ces valeurs correspondent à des croissances difficiles, en liaison avec des contextes abiotiques (ex. sols pauvres, météorologie,…) et/ou biotiques (compétition vis à vis des ressources, ex. chênaie dense) contraignants. Aucune évolution des largeurs moyennes n’est perceptible entre les phases II.2d, III.1 et III.2, ce qui laisse penser là aussi à une stabilité de la structure du paysage environnant, mais aussi de l’aire de collecte du bois de chêne.

En ce qui concerne le calibre du bois utilisé, nous constatons pour l’ensemble des prélèvements une majorité de fragments montrant des courbures de cerne fortes et intermédiaires. Quelques charbons de sections entières allant de quelques millimètres à 4 cm ont régulièrement été observés. Des calculs de diamètres minimum ont été réalisés sur plusieurs lots (P02-1206, P02-1204, P02-1210). Ils ont permis d’estimer des diamètres allant de 40 mm à 100 mm. Les fragments montrant des courbures de cerne faibles sont assez rares, ils correspondent généralement à du chêne. C’est donc avant tout du bois de branches, voire de brindilles qui a globalement été utilisé sur l’ensemble des phases II.5c à III.2. Seuls quelques charbons de chêne pourraient provenir de bois de gros calibre mais qui n’ont dû être utilisés que ponctuellement…

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